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Encore une bonne cuvée

Plusieurs autres questions se cachent derrière ce débat sur le nombre de litres de vin consommés.

Pourquoi se limiter au vin ? Même quand on est journaliste de la presse du vin ! Si on consomme la même quantité totale d’alcool avec moins de vin, mais davantage d’autres alcools, ce qui n’est pas une hypothèse idiote avec la vogue des alcopops, cela ne change rien aux méfaits sur la santé, qui sont dus à l’alcool contenu …

Pourquoi rapporter la quantité totale à la population totale quand une partie d’entre elle, les plus jeunes, ne consomme en général pas d’alcool ? Si le ratio diminuait juste parce que le nombre d’enfants augmentait, avec des « adultes » buvant autant qu’avant, où serait le bénéfice pour la santé publique ? Cette dernière question me paraît tout aussi problématique, et même plus (11,8 millions de moins de 15 ans en 2007), que la non inclusion des touristes étrangers dans le ratio des ventes en France…

Et enfin, même si cela paraît plus anecdotique : quid de l’autoconsommation ou de l’achat « au noir » ?

Dans les indicateurs utilisés pour le suivi de la loi de santé publique, les experts ont préféré un autre ratio : la consommation d’alcool sur le territoire français en litres d’alcool pur par habitant âgé de 15 ans ou plus. Le rapport de suivi pour 2008 rappelle que « cet indicateur estime les quantités vendues ou autoconsommées en France. Il est construit à partir des statistiques fiscales, complétées par des estimations de l’autoconsommation déterminées dans le cadre du groupe IDA1 en collaboration avec l’Insee. Le calcul repose également sur des évaluations du degré moyen d’alcool des différentes catégories de vins et de cidres. L’estimation des quantités d’alcool qui échappent à la taxation s’accompagne de marges d’incertitude non négligeables (de l’ordre de 2 % à 3 % des quantités totales). Par ailleurs, la quantité d’alcool soumise à taxation constitue un indicateur de consommation de l’ensemble des personnes présentes sur le territoire français, y compris les non-résidents (les touristes principalement). Les achats de ces personnes viennent gonfler les chiffres de consommation d’alcool des Français. L’absence de prise en compte des achats d’alcool des Français à l’étranger vient en partie réduire cette surestimation. »

On ne vantera jamais assez les commentaires sur la qualité des données dans les bonnes publications ! Au fait, le rapport donne également un commentaire synthétique sur l’évolution récente de la consommation d’alcool en France que je ne résiste pas à citer non plus : « La consommation moyenne annuelle d’alcool pur par habitant de 15 ans ou plus s’est stabilisée entre 2005 et 2007, après avoir diminué pendant quatre ans. Les quantités d’alcool consommées sur le territoire français ont néanmoins baissé d’un peu plus de 10 % entre 1999 et 2007. Cette diminution s’inscrit dans une tendance plus ancienne et provient essentiellement de la baisse de la consommation de vin. La France fait toujours partie des pays de l’Union européenne les plus consommateurs d’alcool mais ne se situe plus en tête du classement. » Comme ça, vous savez tout !

Chantal Cases

1. Le groupe IDA (indicateurs d’alcoolisation) rassemble les principaux producteurs institutionnels de données sur les questions d’alcool, des représentants des producteurs d’alcool, des professionnels de la santé et de la prévention ainsi que des chercheurs intéressés par la question des indicateurs. Les travaux de ce groupe ont donné lieu à une publication (Got C. et Weill J., L’alcool à chiffres ouverts. Consommations et conséquences : indicateurs en France, Seli Arslan, 1997).