Deux remarques. Quand on parle de 80 millions de touristes (ce qui donne à la France le record du monde), on compte toute l’Europe du Nord qui traverse la France pour aller en Espagne (et accessoirement les Espagnols qui prennent leurs vacances en Belgique). Remplissent-ils leurs bonbonnes au passage ? C’est douteux. En nombre de journées de séjour, la France passe par exemple derrière l’Italie. Et moi, quand je vais à l’étranger, je picole la bibine locale, et les autres Français aussi, je suppose. Ça contribue à rééquilibrer le raisonnement (entièrement ? Peut-être pas tout à fait, mais ça pourrait se calculer facilement). Au total, le chiffre obtenu par division brute est faux, mais pas forcément de beaucoup, la différence tenant en gros à la différence de consommation entre les Français à l’étranger et les étrangers en France, dont ceux qui ne font que traverser. Si on raisonne en population moyenne présente sur le sol de France, on voit que l’erreur ne dépasse sans doute pas quelques pour cent (sûrement moins de 10%). Le 54,4 est donc très probablement entre 50 et 55. La virgule du 54,4 est sûrement de trop, encore que si on s’attache à l’évolution du chiffre (qu’il est évidemment intéressant de suivre), le biais perd de l’importance si on le suppose constant, et une évolution de 0,6 litre dans l’année, par exemple, est peut-être raisonnablement repérable.
En résumé, on a raison de faire observer les biais et les erreurs de raisonnement mais, tout de suite après, il faut s’intéresser aux ordres de grandeur en se demandant si les biais sont suffisants pour décrédibiliser le chiffre ou non. Dans le cas présent, et sauf élément nouveau, il me semble plutôt que non.
C’est très différent pour la sécurité routière où le taux de tués au million de kilomètres n’est pas du tout le même en ville ou en rase campagne et suivant la nature du réseau : dans ce cas la division par le nombre « habitants + vaches » serait plus pertinent que le seul nombre d’habitants parce qu’il introduirait comme correcteur utile un indice de ruralité pertinent. Et comment va-t-on compter les chèvres ? Mais je vois que j’ai juste le temps de prendre l’apéro avant de prendre ma voiture... À votre santé !
Jean-René Brunetière