Pour qu’on les qualifie de touristes, il faut que nos visiteurs de l’étranger séjournent au moins 24 heures (une nuitée) en France : ils ont été estimés à 82 millions en 2007. Ceux qui se contentent d’une simple incursion ou traversent directement le pays sont qualifiés d’excursionnistes : ils ont été estimés à 114 millions en 2007. Reste à savoir ce qu’ils achètent et ce qu’ils consomment sur place. Si l’on s’en tient à leur seule présence sur le territoire français, l’étude précédemment citée donne pour 2005 – année où l’estimation du nombre d’arrivées de touristes étrangers n’était « que » de 76 millions – une population présente moyenne annuelle de 1,6 millions en équivalents habitants permanents, chiffre obtenu en divisant le nombre de nuitées de touristes étrangers par 365 (nombre de jours par an). Pour la même année 2005, le nombre de Français en voyage à l’étranger représentait sur l’année l’équivalent de 586000 habitants absents. Le solde est donc de l’ordre d’un million de présents supplémentaires sur le territoire métropolitain.
Si donc on reprend le raisonnement proposé par Presse-vin sur ces nouvelles bases, il faudrait diviser les 32,6 millions d’hectolitres (je reprends les chiffres cités pour rester comparable mais je ne trouve pas tout à fait les mêmes sur le site de l’Insee pour 2004) non plus par 60,4 millions d’habitants en France métropolitaine mais par 61,4 ce qui fait passer la consommation moyenne annuelle estimée par habitant présent de 54 litres à 53 litres, ce qui, nous en sommes d’accord, ne change pas grand-chose au propos. On pourrait objecter que les gens ont un comportement de consommation différent et boivent donc plus de vin lorsqu’ils sont touristes que lorsqu’ils sont chez eux : ce raisonnement irait à l’inverse de la thèse de Presse-vin puisque les étrangers, toujours selon la même étude sur la présence, ne font que 40% de la présence touristique en France.
Reste la grande inconnue de la consommation de ces cent et quelques millions d’excursionnistes. Si l’on peut espérer que ceux qui font un long trajet en voiture pour rejoindre l’Italie ou l’Espagne ne boivent pas lorsqu’ils conduisent, on ne sait pas grand chose de la façon dont ils remplissent leur coffre. Les Britanniques qui font l’aller-retour de Calais remplissent-ils leur coffre de vin ou seulement de bière, qui est vendue moins cher de ce côté-ci de la Manche ? Un viticulteur de Champagne me racontait un jour que les Anglais sur le chemin du retour – venaient-ils de France, d’Italie ou d’ailleurs ? Peu importe – quittaient l’autoroute vers 11 heures du matin pour venir chez lui et remplir leur coffre de bouteilles. Pour lui, c’était une clientèle importante ; pour moi, je n’ai jamais réussi à en faire une statistique mais j’ai toujours à l’esprit ce questionnement sur l’importance relative de la consommation des excursionnistes.
Quittant un peu le domaine du vin pour revenir à la question initiale de la « bonne » population à prendre en compte, j’évoquerai ce qui nous avait amenés à estimer la population présente à un moment donné en la distinguant de la population résidente mesurée par le recensement. Un haut fonctionnaire en charge de la sécurité sanitaire du pays était venu nous voir au ministère du Tourisme avec la requête suivante : je dois remettre à Matignon un plan pour faire face à un attentat bactériologique ; en cas de problème nous devons être prêts à vacciner immédiatement toute la population et pour cela nous devons stocker dans chaque département un nombre suffisant de vaccins prêts à être distribués très rapidement. Or si nous nous basons sur la population que nous donne l’Insee, nous risquons de manquer de vaccins pour les touristes présents, ce qui ne serait évidemment pas tolérable : impossible de procéder alors dans l’urgence à une nouvelle péréquation entre les départements. Pour répondre, nous avons entrepris d’estimer jour par jour la population présente dans chaque département. Le principe de base est simple : il faut déterminer chaque jour combien de personnes sont présentes dans le département alors qu’elles n’y résident pas (on appelle ça des touristes) et combien de personnes résidant habituellement dans le département sont en train de voyager ailleurs. La population présente un jour donné est ensuite calculée à partir de la population résidente, déterminée à partir du recensement, diminuée des absents partis en voyage et augmentée des touristes présents ce jour-là. Sachant que l’attentat peut se produire n’importe quand dans l’année, il faut se baser sur le pic annuel de présence de chacun des départements. L’étude complète (qui est en ligne) conduisait à stocker 70 millions de vaccins pour une population de 60 millions d’habitants.
Ceux qui se sont intéressés aux résultats de cette étude sont nombreux, les uns utilisant la population présente à un moment donné, d’autres se basant sur la population présente annuelle en équivalents habitants. On peut citer : les forces de l’ordre (police et gendarmerie) qui doivent ajuster leurs effectifs à la population réellement présente ; les services hospitaliers, pour la même raison ; quelques économistes également, qui ont trouvé là matière à expliquer pourquoi certains services locaux comme la poste avaient une clientèle nettement plus importante que ce que ne laissaient prévoir les chiffres de population ; les spécialistes des statistiques de délinquance aussi, car ils trouvent inapproprié de rapporter le nombre des délits à la population résidente alors qu’ils sont souvent le fait de personnes résidant ailleurs, ou bien sont commis contre des gens de passage.
Affaire à suivre….
Christophe Terrier
A suivre effectivement : le 17 juillet 2009, il a été fait état d’une commande par le gouvernement français de 94 millions de doses de vaccin contre la grippe A/H1N1 pour un montant d’environ 1 milliard d’euros.