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Vous avez un chiffre ?

DANS LE JOURNALISME écrit ou parlé, il faut faire court et rapide quitte à travestir le message d’une série de données. Résumer des nombres est un véritable enjeu pour les communicants. Comment s’y prendre, à propos de deux exemples ?

Le titre d’un article d’Ouest-France de fin janvier 2011 « L’accident vasculaire cérébral touche tous les âges » pourrait faire penser que la répartition des âges des personnes atteintes se fait de manière uniforme… Or une recherche bibliographique facile à faire sur Internet montre que, en moyenne, plus on est âgé, plus l’incidence des AVC est élevée. Ainsi, le titre, qui se veut plus accrocheur et même plus inquiétant, n’est pas faux, mais ne reflète pas le message à faire passer. À moins que l’auteur (un médecin) ne veuille dire que les gens « jeunes » consultent moins vite ou négligent les premiers symptômes ? Auquel cas, il faut le dire comme cela, et… l’argumenter.

À propos du nombre de tués sur les routes par accident, on sent les « journalistes écrits ou parlés » à la peine pour présenter et résumer un message (il est vrai en 20 secondes…) Pour comparer deux nombres (par exemple les tués de juillet 2011 par rapport à ceux de juillet 2010 - car il existe une saisonnalité), trois messages sont possibles : (1) l’exposé des nombres de juillet 2010 (453) et de juillet 2011 (358), (2) la différence en nombre absolu (- 95), ou (3) la différence en pourcentage ( 21 %) ou pour certains (mauvais) avec deux décimales ( 20,97 %). Quelle est la meilleure manière ? Le pourcentage seul ne signifie évidemment rien sans les nombres, et les nombres sans le pourcentage sont trop abstraits ; il faut donc les trois messages en même temps (ça fait plus de 20 secondes…)

En fait, c’est plus compliqué pour deux raisons : le mois de juillet 2010 a été particulièrement meurtrier (graphe ci-contre), ainsi la différence avec 2011 est plus grande. Il faudrait donc comparer avec juillet 2009 (358 et 396, -38, -10 %). En plus, deux critères peuvent encore compliquer le message :

(1) les mois de janvier à avril 2011 ont été particulièrement meurtriers, et donc le cumul de janvier à juillet montre une augmentation par rapport à 2010 (de 2 241 à 2 274, +33 soit +1.4 %), et le message se rallonge.

(2) La baisse de mai, juin et juillet 2011 par rapport aux mêmes mois de 2010 est-elle due à l’action gouvernementale comme les radars et les contraventions ? Chercher la causalité dans une affaire comme celle-là, pour laquelle les facteurs d’accidents sont multiples (trafic, temps, bouchons, véhicules…) entraînerait des développements statistiques peu appréciés des journalistes et des politiques.

N’empêche, pour les responsables du changement de politique, « on vous l’avait bien dit », c’est l’action gouvernementale qui a enregistré un succès...

Bernard Branger