À l’obscurissime pénombre.
Le moindrissime dans l’obscurissisme pénombre.
L’ultime pénombre. Le moindrissime dans l’ultime pénombre.
Pire inempirable.
Samuel Beckett, Cap au pire, 1982
JEUX DE LUMIÈRE, correspondances de signes ou de significations sont les ingrédients habituels de la mise en scène de notre critique de l’usage des chiffres dans le débat public.
Au spectacle pour ce programme, notre héros favori, le pourcentage et tous les mauvais tours qu’il joue à ses utilisateurs maladroits en calcul sinon malhabiles en manipulations statistiques. Gagner dix points au twittoscope en se trompant de vingt points dans un écart en pour cent, serait-ce une nouvelle recette de communiquant ? Quand la frontière est franchie, plus de limite, « cap au pire, au pire inempirable… »
Pourquoi critiquer ainsi les maladresses relevées dans les médias, dans les campagnes de presse bien intentionnées des organismes gouvernementaux, dans les rapports d’experts supposés garantir le public contre l’ignorance ou la tromperie ? « Ne pas demander. Non. Demander en vain. Mieux plus mal ainsi. » Un jugement féroce mais lucide ?
Si la vérité n’est qu’une ombre prête à se livrer au plus offrant, faut-il s’en tenir à la rhétorique chiffrée de la communication et remonter à la source où elle serait née, la publicité ? Alors renonçons à faire la lumière sur les milliers de milliards d’euros, qu’ils soient partis en fumée ou à trouver dans le bas de laine des contribuables… Pour notre salut, débusquons les âneries chiffrées dans les étiquettes de composition de nos produits alimentaires, ne lisons plus que la pub dans nos magazines, plus rien à perdre pour ce qu’il y a dans le reste… « Ne pas demander si disparition se peut. Dire non. »
Ce numéro de la Lettre d’information de Pénombre emprunte beaucoup à la pulp, les illustrations bien sûr, mais aussi un climat qui finit par imposer un style, nos textes formant alors un recueil de sales blagues de comptoir statistiques. Celles que nous entendons raconter et que nous ne pouvons pas ignorer. Désolés de tomber à ce niveau.
Cauchemar allégorique de lui-même ce numéro pulp, pour changer un peu, pour tromper l’ennui sur le quai de la gare en attendant un numéro spécial trains, tramways et autres transports publics. Sous le signe de la déconstruction du nombre où chacun ne parlera que par la voix de tous.
Janvier 2012
Lettre pulp N°56 (à imprimer sur papier recyclé)