Pénombre, la vie publique du nombre

Editorial

"L’opacité de la transparence est semblable à l’éclat du soleil : nul ne peut la regarder en face"
Ming-li-foo

Cher lecteur pénombrien,

Contrairement à tous les autres éditoriaux de fin d’année que tu parcours d’un œil las, celui ci ne commencera pas par « à l’aube du troisième millénaire », ni par « en cette fin de siècle » et autres formules fatidiques reproduites à l’envi dans mille discours de conseillers généraux. L’an 2000 sera ici le prétexte d’une réflexion sur nombres ordinaux et nombres cardinaux, par-delà la fascination pour les nombres ronds et replets .

Puisque, paraît-il, l’économie guide le monde, nous nous sommes particulièrement intéressés aux chiffres de l’inflation, à l’indice des prix, à la dépense publique, au coût de l’insécurité routière. Mais avant d’ affronter le choc des faux taux, cher et attentionné lecteur, mesure aussi, avec l’œil critique que l’on te connaît, le poids des maux à l’aune des quelques chiffres que nous assène avec efficacité Michael Moore, dans son film The big one : « Nike paie Michael Jordan plus que ses 30000 ouvriers indonésiens réunis… Grâce au système des stock-options, aux USA, en 1997, le revenu des dirigeants a progressé de 174% tandis que le salaire moyen des ouvriers n’a pas bougé… 1% des Américains détiennent plus de richesse que les 99% restant… »

Et rassure-toi, ami lecteur, Pénombre continue de faire preuve d’éclectisme, mélangeant sujets lourds et légers. Ce numéro intègre aussi l’élégant point de vue d’Alphonse Allais sur le chef de bureau de la statistique de la Compagnie des omnibus et un délicat exercice sur les "crottes en stock" de l’agglomération parisienne, que n’aurait sans doute pas apprécié notre bon père Hugo dénonçant "la fiente de l’esprit qui vole".

Et pour l’an qui vient, non pas parce que la tradition nous y oblige, mais parce que nous avons envie de te le dire, Ô lecteur fidèle, reçois tous les voeux de bonheur de l’aimable Compagnie pénombrienne pour laquelle, par-delà l’amour des chiffres, tu comptes plus que tout.
 

 
Pénombre, Décembre 1999