La rédaction a estimé que les lecteurs de la Lettre Blanche seraient intéressés à connaître mieux la démarche et la pensée des auteurs ainsi mis en cause allègrement. Nous avons donc contacté Véronique Lucas-Gabrielli et Magali Coldefy de l’IRDES qui nous proposent cette mise au point.
L’accès aux soins est de nature multidimensionnelle et de ce fait est particulièrement complexe à appréhender. Par ailleurs, établir un constat au niveau national nécessite de faire des choix méthodologiques.
Les critiques émises sur les temps moyens : la citation « le temps d’accès aux soins est globalement satisfaisant… » extraite du rapport fournit une vision partielle et faussée des résultats qui y sont présentés. D’une part, le choix de la citation est partiel puisque le constat est modéré par les propos qui la suivent immédiatement : « Cependant, des inégalités d’accès persistent tant pour les spécialités les plus courantes que les plus rares. Les régions rurales, à faible densité de population, cumulent l’éloignement des soins de proximité et de la plupart des soins spécialisés. Depuis 1990, la distance moyenne d’accès aux soins a diminué pour certains spécialistes, notamment les urologues, mais a augmenté pour d’autres, en particulier les pédiatres ». D’autre part, le rapport se focalise largement sur les écarts d’accès existant sur le territoire et sur les populations situées au-delà de temps d’accès importants (population à plus de 15 minutes, graphiques montrant la dispersion des temps d’accès…)
À propos du calcul de l’indicateur de distance, il est dit : « Alors que l’impasse sur les trajets ou les distances considérés comme nuls devrait assortir les quantités produites d’un minimum de circonspection. »
Le mode de calcul a fait l’objet de la part des auteurs de commentaires dans ladite étude et sur les limites induites par ce choix. Par ailleurs, les données de l’Assurance-Maladie mobilisées sur les professionnels de santé ne permettaient pas une localisation infra-communale. Ces éléments sont davantage détaillés dans le rapport plus complet dont est issue cette publication et vers lequel elle renvoie les lecteurs.
Par ailleurs, cette étude se focalise exclusivement sur l’accessibilité spatiale mais les auteurs ont dans la mesure du possible pris en compte les autres dimensions comme l’accessibilité financière en tenant compte du secteur de conventionnement des médecins ou bien encore des délais lorsque quelques données existaient. Par exemple le rapport mentionne : « Malgré cette progression, l’accès aux équipements IRM reste problématique en France. L’enquête annuelle Imagerie Santé Avenir (Jeanbat, Detournay, 2009) observe un délai moyen d’attente de 34,6 jours pour obtenir un rendez-vous IRM et un taux d’équipement parmi les plus bas d’Europe et ce, malgré les objectifs fixés par le Plan Cancer. » L’enquête dénonce également des inégalités régionales fortes en termes de taux d’équipement et de délais d’attente, les deux étant fortement corrélés. Ainsi, les habitants des Pays de la Loire, de Poitou-Charentes et d’Alsace attendent en moyenne plus de 55 jours pour obtenir un rendez-vous IRM, alors que le Plan Cancer 2 de 2009 fixe un objectif national de dix jours maximum.
À ces difficultés d’accessibilité à une offre suffisante, s’ajoutent des difficultés d’accessibilité géographique. Or l’éloignement géographique peut être problématique dans certains cas. Par exemple, on sait que la prise en charge urgente dans une unité neuro-vasculaire est capitale lors d’un accident vasculaire cérébral. La difficulté d’accès rapide à une IRM, examen majeur dans cette pathologie, peut donc être aussi vue comme un marqueur de mauvaise accessibilité à une unité neuro-vasculaire. Ce ne sont pas obligatoirement les mêmes régions qui sont concernées. Ainsi, un quart de la population française est à plus d’une demi-heure d’un tel équipement et dans certaines régions, plus d’un quart de la population est à plus de 45 minutes d’un appareil IRM (Limousin, Bourgogne, Corse, Centre). »
De même, la dernière partie de la publication présente les limites de cette première approche de l’accès aux soins : « Si la question de l’accessibilité spatiale aux soins médicaux, traitée ici en termes de disponibilité (c’est-à-dire en termes de présence ou d’absence du service ou de l’offre de soins sur le territoire), est essentielle, il est nécessaire de poursuivre son analyse de différentes manières. Il est souhaitable d’enrichir le concept d’accessibilité spatiale en associant la distance à d’autres marqueurs d’offre comme celui de l’activité ou de la densité de professionnels de santé dans un même indicateur composite. Ces derniers permettent de tenir compte à la fois de l’éloignement et de la quantité d’offre disponible. En outre, la variabilité géographique de la part des professionnels pratiquant des dépassements d’honoraires (secteur 2) vient renforcer les difficultés d’accès à certaines spécialités et doit être prise en compte en plus de la densité médicale. On peut aussi y associer d’autres dimensions de l’offre de soins comme les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous. Les horaires d’ouverture et la permanence des soins jouent également un rôle dans l’accessibilité. Or, peu de données disponibles en permettent une analyse exhaustive et nationale ».
Le souhait d’enrichir l’analyse a d’ores et déjà été réalisé en publiant un nouvel indicateur potentiel d’accessibilité disponible sur le site de l’IRDES, qui lui-même fait l’objet de prolongements afin d’intégrer encore davantage les aspects non spatiaux de l’accessibilité aux soins :
http://www.irdes.fr/Publications/2012/Qes174.pdf
Véronique Lucas-Gabrielli et Magali Coldefy