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La Grande nuit des élections

A la fin du XXe siècle, en France, quelques personnes eurent cette idée étrange de se regrouper pour critiquer les usages des nombres dans le débat public et promouvoir une meilleure utilisation des connaissances chiffrées. Pénombre, leur association, n’était ni un organe de défense professionnelle, ni un cercle politique, ni une entreprise commerciale. Pas même une tendance psychanalytique. Spécialistes de la chronologie, il vous appartiendra de dire s’ils n’étaient que des attardés nostalgiques d’une époque où l’on avait cru pouvoir éclairer un phénomène social en le mesurant ou s’ils annonçaient, sans bien le comprendre, l’émergence d’un langage généralisé du nombre, où tout, même le mensonge, peut – et doit – se dire à l’aide de symboles chiffrés.

Le document que vous tenez entre les mains (ou faites défiler sur un dispositif visuel adapté) retrace un événement singulier que Pénombre appelait « Grande nuit des élections ». Quatre heures durant, à ce qu’il est attesté de tradition orale par les actuels adhérents du groupe international, quatre heures entrecoupées de quelques moments de réjouissance, le bilan que firent ces gens de Pénombre d’une période électorale écoulée, oscilla entre ces deux positions. Ils étaient environ cent cinquante – fait vérifiable dans les archives financières de Pénombre – et l’on ne sait si ce nombre, dix ans après la fondation de l’association par sept personnes, justifiait le qualificatif de « grande » ou bien si, choisi à l’avance de façon prémonitoire, ce titre de « grande nuit » dénonçait une campagne électorale dont tout argument chiffré et éclairant semblait banni.

De conclusion, en un sens ou un autre, n’en cherchez pas. De plan annoncé, il y en eut bien un, en quatre parties : observation de l’usage des chiffres dans les programmes électoraux, ce que les chiffres auraient pu apporter aux débats de la campagne, comment le chiffre régule le processus électoral et, enfin, le retour sur ces sondages qui avaient, à leur façon, marqué profondément les élections de 2002. Le plan fut suivi – le président de séance y veillait – ce qui permet au lecteur pressé d’aller chercher dans cette Lettre blanche et grise, à l’aide du sommaire détaillé, ce qui a pu se dire sur un sujet ou un autre. Mais, surtout, l’ensemble des participants se prit et se plut au jeu. Malgré une sensible diversité d’opinions et d’approches, chacun put contribuer à l’instauration d’échanges fructueux, fondés sur un souci de clarté et de vérité. L’esprit de Pénombre était bien là et la Rédaction de la Lettre a choisi de retranscrire assez fidèlement les propos de chacun pour le faire partager à tous ses adhérents et lecteurs.

Lucio Nero

 
 
Pénombre, spécial 10ans, Mars 2003